Livre
Réveillée par le soleil
S. Sgarbi
Extrait
Michel, à peine âgé de vingt-deux ans, venait de décrocher son diplôme universitaire en économie. Il avait passé toute sa scolarité dans cette magnifique ville de Namur, en Belgique. On pouvait même dire qu’il en connaissait les moindres recoins. Michel a toujours été très actif dans le monde associatif, dans la délégation d’étudiants, dans l’organisation des fêtes de quartier. D’un tempérament altruiste et empathique, il s’engageait en étant empli de ferveur dans de nobles causes, toujours avec le souci de bienveillance.
Visiblement beau jeune homme, il attirait les regards, sans pour autant les chercher. Il était plutôt du style « baba cool », généralement vêtu d’un jean et d’une chemise à carreaux, portant des inconditionnels baskets, d’un blanc immaculé. Il les frottait chaque jour, pour lui, cela paraissait important de porter des chaussures propres. Sa prestance et son attitude générale insufflaient la simplicité, ainsi qu’un aspect avenant de la personne. Il ne cherchait pas forcément à plaire, ni à convaincre, mais il voulait exister en mettant à l’honneur le respect et l’intégrité dans ses valeurs principales. Sa façon d’être et sa façon de vivre ne l’empêchaient pas pour autant de s’engager fermement pour combattre l’injustice et défendre les plus défavorisés.
L’hiver dernier, Michel s’était insurgé contre le laxisme des autorités face aux sans-abri. Il faisait très froid, et avait le coeur retourné quand il vit des personnes aux lèvres bleutées mourir de faim dans la rue. L’élément déclencheur de la création de son association : « SOS faim et froid » avait été le cas d’une jeune fille, à peine majeur, jetée à la rue par son père. Il revenait de son dernier cours de la journée à la fac et se dirigeait vers son studio. C’est à ce moment-là qu’il croisa Melissa assise par terre sur un carton, son rimmel coulait.
Elle pleurait à chaudes larmes. Ses vêtements dénotaient des autres personnes qui faisaient habituellement l’aumône dans la rue. Michel ne l’avait jamais vue auparavant, il voulut la connaître, il voulut en savoir plus à son sujet.
Elle était repliée sur elle-même, grelottant dans un pull-over en laine deux fois trop grand pour elle. Ses cheveux étaient en bataille, un peu crépus, on distinguait néanmoins une coupe soignée et récente. Son pantalon n’était pas encore noirci par les frottements contre le sol humide et sale, comme s’était souvent le cas des personnes vivant dans la rue. Ses petites chaussures, comportant chacune une petite étoile blanche, n’avaient pas encore été souillées par la boue. Michel avait de suite compris que cette jeune fille avait été mise hors de chez elle, et qu’à la base elle devait être issue d’une famille bourgeoise. Il connaissait très bien la rue, ce que pouvait être la vie dehors, les durs labeurs pour tenter de s’en sortir dignement. Orphelin depuis l’âge de cinq ans, il avait été élevé par sa grand-mère jusqu’à ses seize ans. N’ayant plus de tuteur légal, Michel avait été placé dans un orphelinat jusqu’au moment de décrocher une bourse pour entrer à l’université et se payer la location d’un minuscule studio. Ce logement était petit, mais il était heureux d’avoir un logement, d’avoir son chez lui, son petit espace personnel.
Il se dirigea ensuite vers cette jeune fille et lui posa quelques questions, avant de lui offrir un chocolat chaud, qu’il venait juste d’acheter au passage. Melissa osait à peine relever la tête pour le remercier, elle prit le gobelet dans ses mains tremblantes de froid. La jeune demoiselle avait honte de sa situation, apparemment, elle avait aussi dû accuser de nombreuses insultes, ainsi que des avances douteuses, en à peine quelques heures. Michel se doutait bien de ce qu’elle traversait comme épreuve, par le fait de l’avoir vécu.